Wolfenstein : The New Order
- Merlin Maxwell
- 12 juin 2020
- 7 min de lecture
Je vous propose une analyse de Wolfenstein, un jeu se plaçant dans un futur alternatif où les nazis auraient gagné la seconde guerre mondiale.
Le premier opus de la licence, Wolfenstein 3D, a pavé la route pour tous les autres FPS et même selon certains créé le genre. Celui dont je vais parler et analyser, Wolfenstein : The New Order est sorti en 2014 et a été développé par Bethesda, un studio mondialement connu, ainsi que Machine Games, un autre studio de nationalité suédoise.
Le héros depuis toujours de la licence, le soldat Blazkowicz, doit sauver le monde après la victoire des nazis dans une dystopie située dans les années 60. Le jeu commence pourtant en 1946 tandis que la seconde guerre mondiale n’est toujours pas terminée : les alliés sont dépassés technologiquement et au bord de la défaite, l’Allemagne a bientôt trouvé le moyen de fabriquer des bombes atomiques et le Japon n’a pas eu à subir Hiroshima et Nagasaki (un peu comme dans le roman le maître du haut-château de Philip K. Dick qui dépeint lui-aussi un monde où les nazis ont gagné la seconde guerre mondiale et où les japonais contrôlent entièrement l’Asie). Ce setting ne dure que le temps d’une mission visant à éliminer « le boucher », un docteur clairement inspiré de Mengele, qui devra rater et mal se terminer pour le héros qui se retrouvera dans un asile pendant quatorze ans à se faire nourrir à la petite cuillère par sa future petite-amie, une des infirmières de l’asile polonais.
Il y a une assez longue ellipse, les États-Unis ont capitulé et toute l’Europe est sous le joug nazi, à vrai dire tout le reste de la planète aussi.
"L'avantage avec les nazis, c'est qu'ils sont vraiment très cons" – Wyatt, camarade de Blazkowitz
Wolfenstein est, basiquement, un FPS classique, qui ne réinvente pas le genre mais dont les niveaux alternent entre différentes manières de jouer : l’infiltration, pour éliminer les officiers plus difficiles à combattre et éviter qu’ils n’appellent des renforts ou le fait de foncer dans le tas grossièrement, une arme dans chaque main, ce qui n’est pas forcément très compliqué puisque l’IA des ennemis est un peu à la ramasse. De manière générale, ce jeu n’est pas très compliqué dans son principe. Les niveaux sont linéaires, les choix du héros sont limités au-delà de ces deux approches.
Au contraire des FPS récents, les points de vie ne sont jamais récupérés automatiquement, il faut rechercher des trousses de vie, peut-être pour une immersion plus importante et un niveau de difficulté supplémentaire. Pour évoquer une autre différence fondamentale avec les jeux vidéo du même genre et de la même époque, il n’y a pas de mode multijoueur ! Pas de parties en ligne avec ses amis dans Wolfenstein, ce qui peut s’expliquer de par la teneur légèrement limite du message idéologique et de tous les décors ornés de croix gammées. Pour compenser cette absence, la durée de vie du jeu est assez longue, d’environ quinze heures.
Le jeu fait prendre vie à sa dystopie très peu réaliste, du genre à outrer la moitié de la planète et dont tous les protagonistes et les éléments de l’histoire sont un maximum caricaturaux. Tout y passe, les chiens-robots (certains de taille normale et d’autres géants [et terrifiants]), troupes de nazis ayant différents grades et différents uniformes en fonction du lieu où on les trouve, robots géants de démolition, le médecin-boucher, une SS à la charge d’un camp de concentration et son « toy-boy » deux fois plus jeune, des évasions de prison assistées par des armatures robotiques énormes, des temples sous-marins mystiques, des nazis sur la lune… Même le héros reprend la plupart des tropes du surhomme capable de tout faire : la bravoure du soldat américain si chère à Call of Duty est ici reprise de manière extrême, parodique. De même en ce qui concerne la folie et la cruauté sans limite des nazis, elle est dans ce jeu dépeinte humoristiquement (même si cela n’est jamais clairement dit) et aucun des personnages ne se prend lui-même réellement au sérieux.
C’est donc un jeu à la fois très bête mais avec un côté « touchant » qui veut vraiment montrer les horreurs de la guerre, la préciosité des liens entre humains, la cruauté sans égale du troisième reich, la valeur et le lourd tribut de l'abnégation. Un jeu qui veut faire pleurer même si nous venons de voir un seul homme abattre une armée ennemie à la chaîne et survivre à cinquante-huit roquettes au visage. La brutalité et la brillance, la bêtise et le sens du détail s’entrecroisent ici très bizarrement.
Dans ces circonstances, il est compliqué de prendre Wolfenstein au sérieux. Mais même si le jeu frôle la plupart du temps le ridicule, il comporte des moments émouvants et essaye tout de même de proposer un équilibre entre l’action dégénérée et les instants d’humanité. Dans l’un des derniers niveaux, par exemple, le love-interest du héros lui lit des pans de son journal intime écrit pendant la guerre, expliquant comment, à son échelle et en se servant de ses charmes, elle a réussi à résister contre les nazis en finissant toujours pas les tuer : la frontière entre l’absurde « le nazi aime sa mère, je l’ai compris en l’empoisonnant et en le voyant agoniser en appelant sa mère à l’aide » et le drame humain « il me faut avorter à tous prix, je ne veux pas de cet enfant de nazi » (et l’on peut mentionner que ce qui est mis en avant à ce moment là est également l’absence de solution pour toutes les femmes s’étant fait violer durant la guerre et l’interdiction d’avorter en Pologne) est toujours très fine.
Le décor est très varié, les véhicules à utiliser le sont également, le héros possède une sorte de fer à souder qui renvoie des boules d’énergie et qui évolue tout au long du jeu. Vers le commencement du jeu, le héros doit faire face à un étrange dilemme moral imposé par le boucher : doit-il décider de faire mourir son vieil ami ou la jeune recrue ? L’un ou l’autre resteront dans l’équipe du héros en modifiant quelques détails du scénario.
Il y a également (et c’est l’un des seuls jeux portant sur la seconde guerre mondiale avec Call of Duty : WW2 à avoir osé inclure cet élément souvent problématique et délicat au sein de son scénario) des camps de concentration qui ne sont pas seulement mentionnés mais également visitables et partie intégrante du gameplay. Dans le cas de Wolfenstein, c’est un peu compliqué : le ton grivois reste présent même dans cette partie du scénario, ce qui laisse une impression mi-figue, mi-raisin.
Parfois, l’on assiste à de légères tentatives d’auto-réflexion sur la nature du héros du FPS. Beaucoup, même énormément de choses se passent dans ce jeu dans une tentative évidente de se positionner comme un FPS en solo complet, en comparaison avec le multijoueur sur-présent sur les consoles modernes. A ce niveau, il ressemble beaucoup à un shooter old-school qui n’essayerai pas vraiment d’intégrer les séquences narratives au reste du gameplay : après une heure entière d’action on a le droit à une scène très détaillée des personnages non-joueurs discutant dans la cuisine de la base de la résistance ou à des moments d’action utilisant des graphismes poussés et permettant de faire des actions impossibles à réaliser en contrôlant le personnage.
Les personnages secondaires ont tous différents caractères, même si leur attitude envers le héros change souvent en fonction d'événements et de conversations qui échappent à son contrôle. Sur ce point, le jeu ressemble souvent plus à un film interactif qu’à un jeu vidéo à choix.
Pour les phases de combat, le jeu est à parts égales réfléchi et absurde, et jusqu'à son dernier acte, il offre généralement le choix entre un carnage total et une approche furtive simple. Des pistolets en mode silencieux, des couteaux lancés et des abattages macabres permettent une progression plus lente mais plus silencieuse, et il est possible d’essayer d'éliminer les commandants en premier, de sorte qu'il n'y ait personne pour appeler des renforts. La difficulté dépend aussi, de ce fait, de la manière dont le joueur aborde le gameplay en lui-même.
Il existe un système d’amélioration, dans lequel il faut débloquer des capacités bonus et des améliorations en atteignant des objectifs spécifiques, comme par exemple poignarder silencieusement 20 hommes et 5 chiens ou encore faire mourir cinq hommes de leurs propres grenades. Selon la plupart des joueurs, cela permet d'éviter que le tir sur des centaines de nazis ne devienne ennuyeux à la longue. Dans le même ordre d’idée, les joueurs ont reproché au mode infiltration de ne pas être très pertinent, puisque l’arsenal d’armes permet tout aussi bien de naviguer à travers les différents niveaux : « Dual wield shotguns, eviscerate people with a weaponised arc welder or burn a supersoldier’s iron face with with a laser sniper rifle is much more fun than the stealth mode ! » Un joueur de Wolfenstein.
Les dernières étapes du jeu, particulièrement impressionnante au vu du nombre d’ennemis à abattre, font en sorte que le joueur se sente surpuissant, tel un « dieu de la guerre » comme le mentionnent certaines critiques : la frontière est fine entre l’héroïsme et le désespoir que fait ressentir cette vague d’ennemis sans fin. Au moins, contrairement à Call of Duty et ses réflexes pavloviens, ce jeu demande un minimum de réflexion.

Malgré le côté « dictature absolue », la base des résistants et du soldat incarné se trouve au milieu de Berlin, à côté du Reichstag et ne se fera prendre qu’à la toute fin du jeu. De plus, bien qu'il s'agisse d'un jeu dépeignant un American Soldier, il n'est pas inspirée par le patriotisme exacerbé de ses pairs, mais par les longues et intéressantes aventures du genre de BioShock ou des RPG japonais. il y a un travail important de construction d'une histoire alternative avec des éléments de science-fiction débridés et il y a le sens final du jeu qui est de renverser un régime despotique.
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